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Interview de Perrosky

paru dans Dig It !

 

 

 

 

 

 

En avril dernier, Sonic Angels débarque sur le continent Sud Américain, juste après La Flingue qui, nous l’avons constaté, n’a pas fait main basse sur toute la dope vitaminante de la région. Notre première escale fut Santiago de Chile où nous attendaient Alvaro et Alejandro du groupe Perrosky. Nous avons survécu au tremblement de terre - 8.6 sur l’échelle de de Little Richter - et à l’alerte au tsunami à Valparaiso. Notre séjour et nos virées avec Perrosky furent aussi intenses et passionnantes que vous l’imaginez mais toutefois pas aussi dévergondées que les frasques de nos amis marseillais, nous avons une réputation à conserver nous  ! Avant de partir, nous avons posé quelques questions à Alvaro et Alejandro sur leurs diverses activités et sur la scène chilienne en général.

 

 


 

Dig It  !  : Alvaro, tu fais preuve d’un multi-activisme rock impressionnant, tu peux nous décrire une de tes journées  ?


Alvaro  : Plutôt qu’une journée, je peux te raconter ma semaine. Basiquement j’ai quatre jobs, dont celui qui consiste à faire la programmation du Bar Loreto, un bar que j’ai monté avec un ami il y a cinq ans, il est ouvert toute la semaine du mercredi au samedi. Il s’y passe toujours quelque chose, des groupes de rock viennent y jouer, des DJ’s s’installent...
Un des boulots que j’aime le plus et que je fais depuis maintenant onze ans, c’est pour Algo Records, le label rock qu’on a créé avec mon frère Alejandro pour éditer nos disques et ceux des groupes chiliens qui nous intéressent. On fait tout ça en DIY et on a déjà sorti plus de cinquante disques. Je suis en charge de la partie communication et promotion du label.
Après vient le plus important, je suis le batteur de Perrosky, duo de folk-rockabilly punk blues, dans lequel je joue là aussi avec mon frère Alejandro depuis plus de dix ans. On fait beaucoup de concerts et on s’éclate, le groupe est un des plus importants d’Algo Rds et de la scène rock chilienne. Avec Perrosky, on a tourné dans toute l’Amérique du Sud et l’année dernière on a fait notre première tournée en Europe qui s’est terminée par un concert exceptionnel au festival Primavera Sound en Espagne.
Enfin le dernier job et le plus récent, c’est celui à la boutique de disques Tres Oidos que nous avons ouverte avec mon associé du Bar Loreto et un autre pote, le magasin a deux mois et marche très bien, nous avons tous les genres de disques, beaucoup de punk, garage, soul, hip-hop et psyché, des disques plutôt difficiles à trouver au Chili.

 

D.I : Parle nous un peu des débuts de Perrosky...


Alvaro : C’était au départ le projet solo d’Alejandro, de 2002 à 2004, en parallèle à Guiso (groupe genre Detroit Sound, MC5, Stooges...). Alejandro enregistrait ses morceaux sur un magnéto portable quatre pistes et il a édité une cassette. Les chansons c’était basiquement lui avec sa guitare acoustique et sa voix, dans une couleur blues et folklore chilien, complètement différent de ce qu’on faisait avec l’autre groupe, le disque s’appelle Añejo. Après quelques concerts, il s’est rendu compte que ça manquait un peu de power, il s’est décidé à m’inviter et on a électrifié tout ça. Depuis on n’a pas arrêté de jouer et on a sorti cinq disques, plusieurs EP’s et trois 7’’.

 

D.I  !  : Un de vos albums est produit par Jon Spencer, comment ça s’est passé ?


Alejandro  : Tout a commencé pendant la visite d’Heavy Trash au Chili. Ce fut incroyable, j’avais auparavant correspondu avec Matt Verta Ray et lui avais fait passer quelques disques de notre label, il m’est apparu comme un mec vraiment très sympa. Alvaro avait déjà lu pas mal de trucs à son sujet et connaissait son travail en studio. Après ça m’est venue l’idée d’enregistrer avec eux dans leur studio, le N.Y HED à New York, c’était un peu fou mais nous avions également comme référence le groupe argentin / espagnol Capsula qui nous avait dit que le studio était incroyable et que travailler là-bas était super commode et tout à fait abordable. Mais rien ne s’est vraiment concrétisé, jusqu’au-jour où Alvaro a contacté Matt. Curieusement c’était un day off dans sa tournée en Europe et il était en train d’écouter les disques de Perrosky qu’on lui avait envoyés du Chili... Donc Alvaro a commencé à discuter avec Matt pour formaliser tout ça et l’idée s’est concrétisée, Jon Spencer allait nous produire  ! C’est dingue... Jon on l’a toujours suivi dans tous ses projets et il a une grande influence sur ce qu’on fait, ce fut et ce sera toujours un grand honneur de travailler avec lui. Et avec Matt bien sûr.
Je me souviens d’un des moments clés de l’enregistrement, tout au début. Jétais un peu nerveux car le morceau ne sortait pas assez vite comme le voulait Jon. J’ai alors remarqué qu’il était en train de jouer de la guitare acoustique avec nous et j’ai demandé si on pouvait l’enregistrer, Jon et Matt m’ont répondu "C’est fait, on vient de tout enregistrer"... Là j’ai compris qu’ils étaient vraiment impliqués dans l’enregistrement et à partir de ce moment tout a été fluide et tranquille à la fois, ce qui fait que tous les jours on sortait du studio avec le sourire aux lèvres...
Nous n’avions jamais travaillé auparavant avec un producteur, quelqu’un qui nous donnait des idées et imposait les siennes au niveau du son et des chansons. Ça nous a donné un autre regard sur notre musique, et celle des autres aussi d’ailleurs. C’est quelque chose qu’on continue à appliquer aujourd’hui pour la production de nos disques et ceux du label. On les remercie pour leur grand professionnalisme, leur dévouement et leurs bonnes vibes.

 

D.I  : Qu’est-ce que vous faites en ce moment  ? Vous avez des projets en route  ?


Alejandro  : On vient juste de terminer une tournée dans le Nordeste du Brésil avec, hé hé, le groupe français Sonic Angels, c’était génial  ! Maintenant on va prendre le temps de faire des nouveaux morceaux, notre idée c’est de sortir un disque par an. On va revenir en Europe bientôt, ce serait bien d’avoir un nouveau disque à présenter et de dégotter une distribution là-bas.

 

D.I : Avec Algo Rds, en dix ans vous avez réussi à créer une véritable scène chilienne, quels en sont les principaux protagonistes  ?


Alejandro  : Au début, il y avait pas mal de monde qui filait un coup de main et tournait autour du label, surtout des potes, plein de groupes aussi, et tout le monde avait envie de faire de la musique. On avait un petit studio précaire dans lequel on enregistrait la plupart de ces groupes  : Guiso, notre premier groupe avec Alvaro et un des plus importants du label, L´Patina La Frente, Ramires  !, Pendex, Camión, The Versions, Tío Lucho, Yajaira, Hielo Negro et d’autres qui sont maintenant bien connus sur le circuit indépendant, comme The Ganjas et les Tsunamis. Je me souviens qu’il y avait beaucoup d’effervescence dans ce "mouvement". Je me rappelle aussi avoir senti une sorte de "révolution" se produire chez chacun de ces groupes, pour les concerts aussi. On était tous super unis et on avait tous le même but, pas seulement chez Algo Rds, les autres labels également, comme C.F.A, Capsula Discos ou Quemasucabeza qui à cette époque s’occupait de groupes rock...
En fait c’était quelque chose de très fort maintenant que j’y repense, et je crois que ça a beaucoup changé la façon de voir les choses des musiciens chiliens. Certains pensaient que c’était une mode passagère ou quelque chose de superficiel, mais les multinationales n’apportaient rien - pas plus aujourd’hui - et n’existaient pratiquement pas, c’était quelque chose de nouveau pour tous les médias. Même la presse écrite et les radios ont commencé à se pencher sur cette petite scène où on croyait vraiment à ce qu’on faisait et on ne se prenait pas au sérieux. Je crois qu’on ne savait pas très bien où on allait, mais on obtenait ce qu’on voulait, des disques sortaient, on faisait des concerts, etc... Tout ça dans la précarité, mais on avait de bons résultats. Avec le temps, ça s’est estompé... Beaucoup de ces groupes ont arrêté de jouer ou n’existent plus, nous aussi on a "grandi" et on a commencé à nous occuper d’autre chose, de travail, de famille et dieu sait quoi d’autre... Avec le label on continue à bosser, ça fait maintenant douze ans, on a sorti plus de cinquante disques et une vingtaine de groupes sont passés par le label. Aujourd’hui on a beaucoup moins de groupes mais on est plus carré. De tout ça, on a sorti Matías Cena, Histéricos et Big Sur, qui sont nos tout nouveaux groupes. On a réussi à aller jouer dans divers festivals internationaux (Primavera Sound, SXSW, NRML) pour présenter Algo Rds et on fait partie de I.M.I, une association de labels indépendants chiliens.
J’ai l’impression qu’aujourd’hui c’est devenu plus impersonnel, il n’y a plus cette unité entre musiciens et labels, tout le monde essaie de s’en sortir seul. Mais on travaille mieux pourtant, les groupes et les labels sont beaucoup plus professionnels et peuvent prétendre à de meilleures conditions, les lieux et médias sont plus ouverts aux nouvelles propositions. On peut dire qu’au Chili le business de la musique est en train de croître jour après jour, mais j’espère que ça ne va pas se résumer à ça, j’espère que la passion va perdurer, c’est le plus important.

 

D.I  : Revenons à Santiago où toi, Alvaro, tu t’occupes du "bar, pub, discothèque, salle de concerts, de loisirs et de vices" (!) El Loreto, un lieu dédié au Rock’n’Roll. Depuis combien de temps existe-t-il  ? Quels groupes qui y sont déjà passés  ?


Alvaro  : Le Bar Loreto existe depuis cinq ans, aujourd’hui c’est un des clubs les plus importants de Santiago. Y ont joué presque tous les groupes de la scène rock chilienne et beaucoup de groupes sud américains comme les Autoramas, Los Peyotes, Los Tormentos, Hablan Por La Espalda, Las Kellies, etc... Plus quelques groupes européens comme Dead Elvis ou Sonic Angels... On fait bientôt venir Blues Control des USA et Papier Tigre de France.

 

D.I  : Le Rock’n’Roll c’est votre vie donc, mais la musique de Perrosky est tout autant influencée par les rythmes latins et l’esprit des groupes folk et chanteurs chiliens ou sud américains que par le blues nord américain. Tu peux nous donner quelques-unes de vos "références"  ?


Alvaro  : Il y en a beaucoup à vrai dire, on a énormément de héros, hé hé... Le Chilien Roberto Parra, l’Argentin Atahualpa Yupanqui... C’est un style qu’on écoute pas mal par ici... Et bien sûr ça fait longtemps qu’on aime le Blues et le Rock’n’roll aux racines primitives comme Hound Dog Taylor, Dr. Ross, Mississippi Fred Mcdowell, Hasil Adkins, Bo Didley, Fats Domino, Chuck Berry, Jesse Fuller, R.L Burnside, les Subsonics, le Blues Explosion, Charles Mingus, Elvis, le Velvet, The animals, Del Shannon, The Ramones, Roddy Jackson, JD McPherson, James Brown et la liste continue, continue...

 

D.I  : D’Europe sont venus cette année Pete de Slovenly Rds qui a passé quelques jours à Santiago, et nous, les Sonic Angels... Les prochains sur la liste  ?


Alvaro  : C’est toujours super de recevoir des amis, de partager, d’apprendre et leur faire découvrir la scène rock d’ici. Même si elle est assez réduite, je crois qu’elle est intéressante. Sonic Angels a fait quatre concerts, un avec Big Sur (sur Algo Rds, un nouveau groupe à la Replacements / Rolling Stones -nda-), un avec nos amis de Bym Records Hellgang, un avec Big Rabia et puis avec Perrosky. Pete de Slovenly a passé quelques jours à Santiago, il en a profité pour faire le DJ au Loreto, prendre quelques notes et laisser des disques, ce fut une belle visite. Pour l’instant, on n’a pas prévu de recevoir d’autres groupes, mais on est toujours prêt à aider les groupes d’Amérique du Sud, des USA ou d’Europe qui veulent s’aventurer dans nos contrées perdues...

 

D.I  : Perrosky avait une deuxième tournée européenne en vue, et puis...


Alvaro  : Ouais, nous devions revenir en Europe en septembre, pour combien de temps, je n’en sais rien, ça dépendait du nombre de concerts. Mais finalement l’agence de booking s’est retrouvé débordée, c’est ce qu’ils ont dit, et n’a pas pu trouver de dates. La tournée est donc reportée à Mars / Avril 2015, avec un nouveau disque en mains. Il est probable qu’on bosse avec le tour manager d’Autoramas. On aimerait jouer dans des pays où on n’est jamais allé comme la Suisse, la Hollande, la République Tchèque... et jouer dans quelques festivals. Il y en a un qu’on aimerait vraiment faire, c’est le Funtastic Drácula Carnival en Espagne.

 

Sylvie "Sonic" Martin

 

 

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